Solenne Mutez
Autrefois l’apanage du bobo parisien, le zéro déchet concerne aujourd’hui Monsieur et Madame tout-le-monde. Si l’on comptait encore les commerces en vrac sur les doigts de la main en 2015, on en recense aujourd’hui près de 465 en France ! D’une place anecdotique au sein de quelques épiceries bio, les rayons de produits en vrac se sont progressivement imposés en force dans les grandes surfaces. Près de 80% des hypermarchés ont aujourd’hui un rayon vrac (selon l’Observatoire du rayon vrac publié en octobre 2019 par Olivier Dauvers) ! On les retrouve tant en ville qu’à la campagne, en libre service ou en drive. D’après Réseau Vrac, l’association qui fédère la profession, le chiffre d’affaire de la vente en vrac a ainsi été multiplié par 12 durant les cinq dernières années, soit un marché estimé à 1,2 Md€.
Une prise de conscience
Cette spectaculaire poussée de croissance s’explique en partie par une prise de conscience des Français sur leur consommation et les déchets que cette dernière génère. En 2020, la résolution numéro 1 des foyers serait précisément d’acheter davantage de produits limitant les emballages (d’après l’étude Résolutions 2020 de Nielsen Panel Views). Plus qu’une simple tendance, on assiste à une véritable évolution des modes de consommation. Le zéro déchet permet de réconcilier écologie et économie, sans que ce soit pour autant au détriment de la qualité. Malgré une main d’oeuvre accrue, le passage au vrac permet des économies d’échelle significatives sur le packaging mais surtout une réduction du gaspillage alimentaire, source de nombreux coûts cachés. En moyenne, les produits en vrac sont 6% moins chers que leurs homologues emballés (selon l’enquête de l’UFC Que Choisir). Il vient aussi renforcer la tendance sociétale au Do It Yourself : la sensibilisation aux enjeux écologiques et environnementaux donnent l’impulsion nécessaire pour se mettre à faire plus de choses soi-même (produits ménagers, cuisine, cosmétiques…).
Vente en vrac : un contexte légal favorable
Ce passage de l’adolescence à l’âge adulte se célèbre d’ailleurs grâce à la convention citoyenne pour le climat qui a mis le sujet sur la table. Les 150 volontaires suggèrent de contraindre les distributeurs à instaurer un minimum de 25% de leurs rayons pour les produits en vrac en 2023, puis 50% d’ici 2030. Parallèlement, le Parlement vient définitivement d’adopter en février le projet de loi anti-gaspillage pour une économie circulaire imposant entre autre à tout distributeur de produits en vrac d’accepter les contenants apportés par ses clients et de vendre des contenants réutilisables. Un petit pas pour la distribution, un grand pas pour la réduction des déchets. De surcroît, cette loi est venue offrir une définition légale au vrac, dont le concept bénéficiait jusqu’alors d’un flou artistique. « Le vrac, c’est la vente de produits présentés non préemballés en libre service en quantité choisie”. Ainsi, une initiative telle que Loop – la plateforme de e-commerce lancée par Carrefour qui permet de se faire livrer des produits de grande marque dans des contenants durables – ne peut bénéficier de cette appellation car le consommateur n’est pas maître du choix des quantités.
Vente en vrac : des solutions et initiatives qui se multiplient
Grisés par cette effervescence, les acteurs du secteur ne manquent pas d’ingéniosité pour proposer toujours plus de produits et de services. En plus des fruits secs, céréales et légumineuses qui caracolent au top des ventes, on peut aujourd’hui dénicher des produits ménagers et cosmétiques mais aussi du thé, du café, du sucre, de la farine, de l’huile, du vin, des épices… Autre phénomène qui progresse : les épiciers ambulants, nouveaux évangélisateurs du vrac. Selon Réseau Vrac, près d’une soixantaine d’épiceries mobiles sillonnent chaque jour les routes de France, chargées de leurs précieuses denrées sans emballages. Ti Boco, PêlMêl, Marylou part en vrac, sont autant de projets aux noms cocasses qui ont intégré l’Opération Tous au vrac pour encourager le développement du secteur, en partenariat avec Jean Bouteille, Pachamamaï, Vracoop et We Bulk. Depuis 2017, MiiMOSA et Réseau Vrac travaillent ensemble main dans la main à faire éclore des projets de commerces vrac. Près d’une centaine de projets ont été financés, soit 390 000€ récoltés grâce aux contributions de 6 000 personnes, ce qui représente un quart des épiceries vrac ouvertes en France ! Boostés par le confinement, ce sont aussi des drives zéro déchet qui voient le jour un peu partout, comme à Valence, Aix-en-Provence ou Avrillé. Ils viennent ainsi faire taire les dernières réticences quant au caractère énergivore et chronophage de ce nouveau mode de consommation.
Téméraire, le vrac essaime jusque dans les grands groupes. Christophe Audouin, le directeur général des Prés Rient bio, filiale du groupe Danone connue pour la marque Les 2 Vaches, a lancé un projet de yaourt fermier bio en vrac. Avec cinq salariés de Les 2 Vaches et un des éleveurs leur fournissant du lait, l’initiative “Simple comme bonjour” vise à distribuer du yaourt conditionné en poches souples de 5kg pour permettre à tout un chacun de venir se servir avec son propre contenant. Il vient là relever un défi de taille : distribuer en vrac un produit à forte teneur en eau et donc à risques sanitaires accrus. En plus d’être zéro déchet, bio et fermier, ce yaourt sera, en outre, local car sa distribution se fera dans un rayon de 80km autour de l’exploitation dans toutes les enseignes intéressées. Depuis le 15 août, le projet est en béta-test dans un Leclerc d’Aurillac. De son côté, l’entreprise française Natarys a pris à bras le corps la problématique de la surconsommation de bouteilles d’eau en plastique et propose aujourd’hui de l’eau filtrée en libre service au sein d’une centaine d’enseignes alimentaires. Cette opération vient s’ajouter aux nombreuses opérations mises en place par la grande distribution pour s’orienter vers le mieux manger, à découvrir dans cet article.
Même si la France peut se targuer d’être à la pointe du sujet parmi ses comparses européens, l’avenir du vrac n’est pas pour autant sans encombres. Son développement se heurte aujourd’hui à des enjeux de taille : réemploi des emballages en amont par les fournisseurs, problématique de la traçabilité, distribution des produits en AOP ou AOC. L’association Réseau Vrac milite aujourd’hui auprès du gouvernement en faveur d’un cadre légal permettant la vente de produits en vrac dans les pharmacies ou encore les magasins de bricolage.
Plus d’infos :
- Vous avez un projet vrac ? Venez rencontrer l’équipe MiiMOSA à la 3e édition du Salon du Vrac le 7 et 8 septembre 2020 pour tout savoir sur la vente en vrac et nos offres d’accompagnement.
- Et jusqu’au 1er novembre, participez à notre appel à projets Tous au vrac visant à encourager le développement du zéro déchet en France et en Belgique.
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